Les épisodes d'avant hier étaient consacrés à Keynes vs Hayek, et aux crises liées au capitalisme.
Un tel programme est d'un intérêt certain. Cependant il convient de corriger les quelques petites erreurs qui ont pu se glisser.
Première petite erreur : qualifier l'individualisme méthodologique (1) de l'école autrichienne d'"individualisme extrême", et l'associer à un réflexe de classe, de possédants, surtout en parlant de Friedrich von Hayek. Déjà, Hayek (pas l'actrice, l'économiste) étaient, comme Keynes, auquel il est opposé dans le reportage, issu d'un milieu intellectuel et plutôt favorisé. Il serait donc étonnant que deux économistes, supposer adhérer à l'idée de rationalité, s'opposent tous deux à ce qui serait censé être leur intérêt de "classe sociale". Ensuite, l'individualisme méthodologique est une démarche qui consiste à expliquer les phénomènes économiques et sociaux à partir de certains éléments primitifs comme les actions, réactions et interactions entre les individus qui composent les phénomènes de société, et non pas un projet de société. Qu'un économiste ou un sociologue utilise cette méthodologie ne dit rien de sa propension à être altruiste ou égoïste.
Deuxième erreur, reprendre au conditionnel le mot de Ludwig on Mises sur l’impossibilité pratique de mettre en place le socialisme, du fait de la supériorité du système des prix, sans le remettre en perspective avec ce qui s'est passé depuis 1989. Ce n'est pas du conditionnel, c'est un fait historiquement vérifié.
En effet, si on devait opposer sur le plan théorique système libéral décentralisé et système anti libéral centralisé, on pourrait quand même se dire qu'au vu de l'expérience historique, l'un semble plus pratique que l'autre. En effet, durant 70 ans, l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) a fourni un champ d'observation pour comprendre ce qui se passe quand les prix ne sont pas fixés par un marché libre : ils fournissent de mauvaises indications aux agents économiques, et rendent la vie quotidienne compliquée. Pourtant, on peut penser que les dirigeants de l'ex URSS ont sincèrement pensé qu'une instance suprême pouvait diriger l'économie. Ils s'en sont d'ailleurs donné les moyens (nationalisations, régime policier de surveillance de la population), manifestement sans succès. Il faut donc admettre que les mécanismes de marché constituent une situation plus naturelle que leur absence et leur substitution par des plans étatiques. Mises nous a montré qu'en pratique, le socialisme n'est pas réalisable. Le planisme central ne peut qu'échouer.
Troisième erreur : affirmer que la crise de 1929 est une crise due au libéralisme. C'est une affirmation qu'il faut nuancer. Certes, le capitalisme est caractérisé par des crises, c'est une constante historique. L'adage boursier n'affirme t-il pas que les arbres ne grimpent pas jusqu'au ciel ? Et la Bible elle-même ne parle t-elle pas de cycles économiques, de 7 ans, proches sur ceux décris par Juglar (2) ? En revanche, ce qu'on peut affirmer, c'est que la crise de 1929 trouve une partie de son origine dans la politique monétaire expansionniste de la Federal Reserve (FED) nouvellement crée (elle date de 1913) et que l'école autrichienne ne validait pas le principe d'une telle intervention. Du coup, il y a également débat sur la validité des solutions proposées, interventionnisme ou non, pour sortir de la crise (3).
Sur Milton Friedman, Arte commet une petite imprécision en le qualifiant de libertarien. Même si Milton Friedman, prix Nobel d'économie 1976, partageait certaines des idées que les libertariens telles que la critique du salaire minimum ou celle de la guerre contre la drogue, ce monétariste ne pouvait être rattaché à l'Ecole autrichienne d'économie, en raison de son point de vue inflationniste et étatiste sur les questions monétaires. Milton Friedman était opposé à l'étalon-or ou aux monnaies privées. Il n'aurait jamais accepté le bitcoin par exemple. C'est un libéral classique, pour un état minimum, pas un libertarien. D'ailleurs, Milton Friedman se sentait proche du Parti Républicain américain, pas du Parti Libertarien. On ne peut donc absolument pas même Friedman et Hayek dans un seul et même camp.
Sur Milton Friedman, Arte commet une petite imprécision en le qualifiant de libertarien. Même si Milton Friedman, prix Nobel d'économie 1976, partageait certaines des idées que les libertariens telles que la critique du salaire minimum ou celle de la guerre contre la drogue, ce monétariste ne pouvait être rattaché à l'Ecole autrichienne d'économie, en raison de son point de vue inflationniste et étatiste sur les questions monétaires. Milton Friedman était opposé à l'étalon-or ou aux monnaies privées. Il n'aurait jamais accepté le bitcoin par exemple. C'est un libéral classique, pour un état minimum, pas un libertarien. D'ailleurs, Milton Friedman se sentait proche du Parti Républicain américain, pas du Parti Libertarien. On ne peut donc absolument pas même Friedman et Hayek dans un seul et même camp.
Arte revient ensuite asse longuement sur la politique économique du chancelier Brünning, dans l'Allemagne du début des années 30, pour expliquer que la tentative d'équilibrer le budget a abouti à la montée des extrêmes, ce que Keynes aurait prévu, lorsqu'il avait écrit ""The Economic Consequences of the Peace"". Cette séquence parait pour le moins confuse.
D'une part, on sait que l'Allemagne n'avait pas le choix de sa politique, après une très forte période d'inflation, directement due à la volonté française d'occuper la Ruhr, en guise de réparations de guerre. D'autre part, qui peut nier que le parti national socialiste a pu progresser avant tout sur des questions culturelles et non pas économiques, sans pour autant, d'ailleurs, faire l'unanimité ou même la majorité du point de vue électoral ?
Enfin, quand Thomas Piketty nous explique que la croissance des 30 glorieuses et l'intervention des Etats dans l'économie ont permis de réduire les inégalités, il fait deux erreurs courantes : confondre relation et causalité, et pratiquer un point de vue ethnocentriste.
Oui, il y a eu une forte croissance durant les 30 glorieuses en Occident. Celle ci était pour partie dûe au fait que nous étions en économie de rattrapage, à forte composante secondaire. Autrement dit, les gains de productivité liés à la conjonction de plan Marshall et à l'introduction du taylorisme et du fordisme,le tout combiné à un faible cout de l'énergie, ont permis de redistribuer sans trop pénaliser les acteurs. En même temps, la structure démographique était-elle la même ?
En plus, peut-on se contenter de voir la situation de la France, de l'Allemagne, du Royaume Uni et des Etats Unis et d'en tirer une conclusion pour l'humanité toute entière ?
Durant les 30 glorieuses, les inégalités, pour peu que ce soit un sujet de préoccupation, se sont accrues au niveau mondial, et seules le desserrement du dirigisme en Chine à partir des années 80, en Inde au début des années 90 et en Europe de l'Est, et depuis 10 ans en Afrique ont permis de commencer à voir se constituer une classe moyenne mondiale.
En conclusion, toutes ces erreurs mentionnées ci dessus empèchent de qualifier de bon le reportage d'Arte, ce qui est dommage car le sujet est intéressant.
D'une part, on sait que l'Allemagne n'avait pas le choix de sa politique, après une très forte période d'inflation, directement due à la volonté française d'occuper la Ruhr, en guise de réparations de guerre. D'autre part, qui peut nier que le parti national socialiste a pu progresser avant tout sur des questions culturelles et non pas économiques, sans pour autant, d'ailleurs, faire l'unanimité ou même la majorité du point de vue électoral ?
Enfin, quand Thomas Piketty nous explique que la croissance des 30 glorieuses et l'intervention des Etats dans l'économie ont permis de réduire les inégalités, il fait deux erreurs courantes : confondre relation et causalité, et pratiquer un point de vue ethnocentriste.
Oui, il y a eu une forte croissance durant les 30 glorieuses en Occident. Celle ci était pour partie dûe au fait que nous étions en économie de rattrapage, à forte composante secondaire. Autrement dit, les gains de productivité liés à la conjonction de plan Marshall et à l'introduction du taylorisme et du fordisme,le tout combiné à un faible cout de l'énergie, ont permis de redistribuer sans trop pénaliser les acteurs. En même temps, la structure démographique était-elle la même ?
En plus, peut-on se contenter de voir la situation de la France, de l'Allemagne, du Royaume Uni et des Etats Unis et d'en tirer une conclusion pour l'humanité toute entière ?
Durant les 30 glorieuses, les inégalités, pour peu que ce soit un sujet de préoccupation, se sont accrues au niveau mondial, et seules le desserrement du dirigisme en Chine à partir des années 80, en Inde au début des années 90 et en Europe de l'Est, et depuis 10 ans en Afrique ont permis de commencer à voir se constituer une classe moyenne mondiale.
En conclusion, toutes ces erreurs mentionnées ci dessus empèchent de qualifier de bon le reportage d'Arte, ce qui est dommage car le sujet est intéressant.
(1) Le Que Sais Je du professeur Alain Laurent est téléchargeable sur le site de l'Institit Coppet
(2) Jean Magnan de Bordier, Université Paul Cezanne http://junon.univ-cezanne.fr/bornier/cyc.pdf
(3) Contrepoints La crise de 1929 et la leçon de Hayek face à Keynes
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