lundi 16 mars 2020

Coronavirus - Le COVID-19 va il pousser à interdire le short selling et fermer la bourse ?

L'épidémie de coronavirus qui s'étend actuellement en Europe nourrit l'inquiétude des milieux scientifiques et hospitaliers. Le professeur Eric Caumes, chef du service d’infectiologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (APHP), qui, le 12 mars 2020, craignait un scénario "à l'italienne" pour la France (1), demande à présent qu'on confine la France entière (2). 

Le dernier bilan de l’épidémie de coronavirus Covid-19 en France fait état 5 423 cas pour 127 décès ce 15 mars 2020 au soir (3), selon les chiffres de la John Hopkins University

Fatalement, l'impact que cette crise sanitaire majeure a déjà sur l'économie (L'Opinion note que Le virus est installé et déjà en train de réorganiser la mondialisation, redessiner nos déplacements, transformer nos modes de production et consommation)  se reflète en bourse, qui subit depuis une semaine des baisses historiques.




Ces chutes de valorisation, que certains attribuent à la disparition de la liquidité, amènent certains intervenants à demander, pour certains, l'interdiction du short selling, et pour d'autres, la fermeture de la bourse en attendant qu'on puisse y voir plus clair.




La notion financière de liquidité d'un marché (à ne pas confondre avec la liquidité des postes du bilan de l'entreprise, une notion comptable (4)  ) correspond à la possibilité pour un investisseur d'effectuer une transaction au prix affiché et pour un volume important sans affecter le cours du titre (5).

Le short selling, ou la vente à découvert (VAD selon le jargon des forumistes de Boursorama), consiste à emprunter un titre contre le versement d'un intérêt, le vendre puis attendre la baisse effective pour le racheter et le rendre à son propriétaire, en ayant donc tiré un profit. La VAD consiste donc à parier sur la baisse de la valeur d'un titre. 

Comme la vente à découvert consiste donc à parier sur un titre, on pourrait penser que les vendeurs à découverts sont des acteurs qui favorisent la chute "excessive" des marchés.

L'ESMA, le régulateur européen, vient de décider un renforcement des obligations de disclosures imposées aux vendeurs à découvert (6). La semaine dernière, l'Italie, l'Espagne et la Corée du Sud interdisaient la vente à découvert.

Quand à la fermeture des marchés, et comme nous sommes en situation exceptionnelle, le parallèle est fait entre le 11 septembre 2001 et maintenant. Suite aux attentats de New York, les marchés avaient été fermés, aux Etats Unis.

Toutefois, il n'est pas certain que l'interdiction de vendre à découvert soit de nature à arrêter la chute d'un marché, pas plus qu'il est sûr que fermer un marché soit la bonne mesure pour empécher la baisse des courts. 

La lettre Vernimmen numéro 20, publiée juin 2003, posait déjà la question de la vente à découvert, en présentant deux études, celle de Arturo Bris, William Goetzmann et Ning Zhu (Yale University), intitulée « Efficiency and the Bear : Short Sales and Markets around the world » , et celle de Owen Lamont (University of Chicago) intitulée Go Down Fighting: Short Sellers vs. Firms.

La première étude arrivait à la conclusion que les ventes à découvert augmentent l'efficience des marchés et qu'il n'y a pas de corrélation entre possibilité de vendre à découvert et sévérité des krachs.
La deuxième étude note que les entreprises qui prennent des mesures contre les ventes à découvert enregistrent une érosion de la performance de leurs titres dans les mois qui suivent.

Ces résultats semblent validés par les pratiques de marché observées ces jours ci. Est ce que ce sont des vendeurs à découvert qui ont fait plonger Air France KLM ou Elis ou Unibail Rodamco Ou BNP Paribas ? Ou bien de simples vendeurs, tout court, ayant changé d'opinion sur les perspectives bénéficiaires 2020 de leurs titres ? Et si les baisses semblent franchement trop importantes ne seraient-ce tout simplement pas des opportunités d'achat que les professionnels des marchés sauront détecter ?

Des études plus récentes, telles que celle de Alessandro Beber (City, University of London) et Marco Pagano (University of Naples Federico II) intitulée "Short-Selling Bans Around the World: Evidence from the 2007-09 Crisis", ou encore celle de Martin T. Bohl, Arne C. Klein et Pierre L. Siklosb intitulée Short-selling bans and institutional investors' herding behaviour: Evidence from the global financial crisis, ou l'article d'Antoine Levy (HEC Normale Sup) "Vente à découvert : le short selling a une utilité sociale" arrivent à la même conclusion : le sort selling ban se fait au détriment de la liquidité.

Quand à la fermeture, après des baisses de 20 ou 30%, n'aurait-on pas envie de dire qu'il est un peu tard ?
De plus, quand la bourse montait plus que de raison (tous les opérateurs, même Marc Fiorentino, souvenez vous, vendredi 27 décembre 2019 ","Il y a une bulle sur les actions, et elle peut continuer avant d'éclater !",  étaient d'accord pour dire qu'en décembre 2019, nous étions sur un trend franchement spéculatif, décorrélé des fondamentaux, demandait-on pour autant la fermeture de la bourse ?

Des baisses violentes ont affecté le marché de manière quasi indistincte. Dès lors, le tri va être fait, en des valeurs qui ont encore un avenir post Covid 19 et d'autres qui seront affectées à long terme. Peut-être verra t-on même des mouvements opportunistes comme cette proposition d'introduction en bourse de GVS, une entreprise italienne qui fabrique des masques de protection respiratoire ?






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